Dès les premières marches de la plate-forme d'embarquement, les larmes commencent à me monter aux yeux. Je n'ai pas eu le temps de dire au revoir à tous mes amis, et je ressens déjà un grand vide à l'idée de ne les revoir que dans un an. Ma famille me manque aussi. La peur s'installe doucement en moi, monte tel un serpent, sinueuse, et je laisse le stress m'envahir. J'appelle une dernière fois ma mère et ma sœur pour leur dire que je les aime et que je pense fort à elles. C'est une chose que j'ai toujours fait, m'assurer que ma famille va bien quand je ne me sens pas en sécurité. Je suppose que c'est une manière comme une autre de faire valoir mon instinct de protection envers les gens que je chéris, surtout depuis l'accident de ma sœur.
Le train part, et j'observe les gens autour de moi : des anglais pour la plupart, un peu de touristes français et canadiens. Des hommes d'affaire surtout. Je ne me sens pas vraiment à ma place, mais m'occupe comme je peux. Les deux heures et demi passent en fin de compte assez vite, mais plus je prends l'eurostar, plus je trouve que le trajet sous le tunnel s'allonge. Un début de claustrophobie ?
Nous arrivons avec dix minutes de retard sur l'heure prévue, au lieu des 20 à 50 annoncées en France. Je prends mon ticket de métro, je me dirige vers le quai, et l'aventure commence ! Je n'avais jamais pris le métro londonien auparavant. C'est assez étrange, je n'aurais jamais pensé que l'underground était l'équivalent du RER français. En tout cas, dans cette ligne, les gens sont calmes, et c'est très agréables.
Arrivée à Paddington, je me dirige vers le quai avec quelques difficultés. La gare est immense et le quai du métro est à l'extrémité de la gare. Dès que je sors, j'aperçois un paysage tout à fait différent de Saint Pancras, où je suis arrivée, très industriel, « moderne » donc gris et moche mais espacé. J'ai à peine le temps de prendre mon ticket qu'il est déjà 11h45, il est temps de prendre mon train pour Cardiff Central.
Le train de ligne Ouest s'apparente à un TER français, mais en plus délabré. On se plaint souvent de la qualité de service chez la SNCF, mais prenez un train anglais et vous verrez, vous relativiserez. Je me suis assise à côté d'une femme d'affaire de Newport qui m'explique gentiment que mon train arrivera à 13h45 à Cardiff. Je m'occupe, je commence Pokemon Noir 2. Les gens sont très bruyants dans le train. Malgré les annonces, ils n'hésitent pas à passer leurs coups de téléphone dans la rame et non dans les espaces entre les wagons. Cet épisode me rappelle Paris, étrangement.
Je n'ai pas vraiment vu le trajet passer. J’emmagasine la fatigue depuis quelques semaines. Il faut dire qu'organiser un déménagement d'un an à l'étranger, tout ça en étant prévenue deux semaines avant le début de son contrat de travail, n'est pas une mince affaire. J'arrive à Cardiff à l'heure prévue, et me dépêche de trouver une machine à ticket pour payer mon trajet jusqu'à Pontypridd (prononcer Pontypriff), et un agent m'explique le trajet et me vend un ticket. Dans la gare, comme dans toutes les gares welsh, les instructions, les panneaux et autres insignes sont d'abord indiqués en gallois, puis en anglais. C'est un peu comme en Bretagne. 20Min après, donc 14h30, j'arrive à Pontypridd où je m'accorde un lunch tardif mais mérité. Des choux fleurs à la crème avec brocolis et salade à côté. Je fonds et mange tout en moins de dix minutes, alors que j'ai rendez-vous à 16h.
J'en profite pour me reposer un peu avant de tenter de comprendre tout ce que me dira ma future propriétaire. Les gens à Pontypridd sont à deux extrêmes différents. D'un côté, il y a une population de personnes âgées assez impressionnante, de l'autre, il y a beaucoup de jeunes mamans. Je n'ai jamais vu autant de bébés en une journée que celle de jeudi dernier. Et quand ils ne sont pas avec leur mère, ils sont avec leur père. C'est à me rendre mal à l'aise. Les bâtiments sont assez étranges, entre le strasbourgeois et la maison bretonne colorée. Je n'arrive pas tellement à décrire l'architecture. Je ne pense pas être encore bien habituée. Il règne ici une atmosphère étrange.
Christiana, ma colocataire allemande, m'a dit qu'il y avait une mine de charbon dans la ville auparavant, et que l'eau de la rivière Taff était noire avant qu'ils arrêtent de l'exploiter. Je compte me renseigner un peu plus quand je serai mieux installée. A 16h10, la responsable du département français vient me chercher à la gare pour me conduire à ma nouvelle maison. Elle est à 20min à pied du centre-ville, 5min en voiture quand il n'y a pas de bouchons. C'est une maison grise, un peu vieille mais qui possède un certain charme, meublée années 60. Une forte odeur de renfermé s'échappe de la moquette, des murs, des fauteuils, que j'essaie de faire partir depuis que je suis arrivée. Joy, ma proprio, me fait visiter le rez de chaussé avec deux chambre, et le premier. J'ai choisi la chambre en L, qui se trouve à l'autre bout de celle de Christiana. J'entends moins le bruit des voitures qu'au rez de chaussée, et c'est parfait. J'ai des draps, des couettes, des serviettes à volonté. Et le plus important : je peux m'installer tout de suite.
Pour quelqu'un d'aussi anxieux que moi, qui ne savait pas où dormir le soir, c'est un soulagement. Je suis presque tentée de serrer tout le monde dans mes bras tellement je suis soulagée. On m'explique vite-fait comment fonctionne l'électricité, le gaz. Il s'agit de cartes qu'il faut aller recharger au bureau de poste (que je n'ai pas encore trouvé). C'est bon ! Je peux m'installer !! Je suis chez moi !!!
Après avoir vidé mon sac à dos, Christiana m'accompagne au supermarché où je fais le plein de produits frais. J'ai décidé de me prendre en main, vu le résultat de mes dernières analyses. Je n'ai pas envie de finir diabétique. Epuisée, je rentre et m'endors vers 22h, heure anglaise, après une longue journée.
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